et on aimerait que ça ne s’arrête pas !

petite femelle
Retracer le procès d’une meurtrière dans les années 50, accusée d’avoir assassiné son amant de sang froid, en détaillant page après page les étapes de l’enquête, en remontant le fil de l’enfance et de la vie de Pauline Dubuisson, dite ‘la petite femelle’ qui a été également accusée de coucher avec les allemands, en décortiquant les comptes rendus du procès, les articles de presse, les témoignages de chacun…Telle est la vaste entreprise (littéraire!) à laquelle s’est livré Philippe Jaenada. Cette démarche, si louable soit-elle (rendre justice à Pauline Dubuisson, une femme émancipée victime du jugement de la société de son temps), aurait pu être laborieuse. Certes, du labeur il en aura fallut à l’auteur, qui s’est immergé dans les dossiers avec beaucoup de sérieux et de minutie. Pourtant le lecteur ne peine pas avec lui, pas une seule page d’ennui ou de longueurs n’est à noter dans ce pavé savoureux. Savoureux ? Oui, pas tant pour le détail des conditions de jugement ou d’enfermement de la prisonnière, mais plutôt pour les nombreuses digressions de l’auteur. Habitué à ce procédé de parenthèses d’autodérision et d’humour, Jaenada prend ici ses aises, et il a bien raison.

Que ce soit pour parler de lait-fraise ‘ (je choisis cette image pour faire joli, mais le jour où on me verra m’envoyer de bonne grâce six ou sept verres entiers de lait-fraise, il faudra s’inquiéter pour moi)’ ou encore de culotte Petit Bateau ‘(j’essaie de ne plus y penser mais je suis embêté avec cette histoire de statistiques, plus haut, qui détonne dans un récit que j’aimerais plus littéraire que journalistique […] Donc afin d’atténuer l’effet néfaste de la présence déplacée de ces statistiques, je vais raconter l’histoire de la culotte Petit Bateau, qui fera diversion. Elle a été inventée en 1918…)’ ou encore de saucisses ‘(Il faut que j’ouvre ici une parenthèse qui n’a pas tout à fait sa place dans l’histoire, mais je ne peux pas faire autrement car il vient de m’arriver quelque chose de bouleversant, effrayant même, aux frontières du surnaturel -sans exagérer. Il s’agit de saucisses […] J’ai mis un moment à encaisser : de 1997 à nos jours, alors que mes histoires ne se déroulent jamais dans l’univers de la charcuterie, et que personne de ma famille, ni même plus généralement de mon entourage, n’a jamais confectionné ni vendu la moindre saucisse, ni n’a été pasteur, je n’ai pas publié un seul roman qui ne contienne pas le mot saucisse…)

711 pages, avec Jaenada, finalement, c’est trop court !Par ici pour la présentation du roman par l’auteur lui-même : https://www.youtube.com/watch?v=rK8URadyZuE