Maryse Joissains livre sa réaction après la décision du Conseil d’Etat de suspendre la Métropole Aix-Marseille Provence et repousse l’échéance à 2018.

Vendredi 18 décembre, le Conseil d’Etat a suspendu en urgence la métropole Aix-Marseille Provence. La structure, contrairement au calendrier prévu, ne verra pas le jour le 1er janvier prochain. Son éventuelle naissance est suspendue à la décision que le Conseil Constitutionnel doit rendre prochainement. Nous avons rencontré Maryse Joissains, maire d’Aix-en-Provence, présidente de la Communauté du Pays d’Aix et fer de lance de la fronde contre le projet métropolitain.

René Raimondi (maire de Fos-sur-mer) parlait hier d’une « belle surprise », quel est votre sentiment vis-à-vis de la décision du Conseil d’Etat?

Maryse Joissains: Pour moi ce n’est pas une vraie surprise puisqu’avec Robert Dagorne (maire d’Eguilles), on travaille ensemble depuis un certain temps. C’est une procédure qu’il a engagée, en connaissance de nous autres, qui a abouti. C’est une belle victoire des petits contre les gros.

Après cette décision, quel est votre regard sur la construction de la Métropole ?

M.J. : Nous ne sommes pas contre la coopération métropolitaine, qui est nécessaire. Mais nous avons un nouveau président de région, Christian Estrosi, qui est efficace, ancien ministre de l’Economie. À mon avis, il va faire beaucoup de bonnes choses. Je ne vois pas ce qu’une métropole pourra apporter de mieux. Peut-être que l’on pourrait faire une nouvelle répartition entre la région qui a de nouveaux pouvoirs, le conseil général qu’il faudrait conforter, notamment en matière de transport, et laisser les territoires continuer à se gérer tout seuls. Ce qu’ils font très bien.

Qu’allez-vous faire en attendant la décision du Conseil Constitutionnel ?

M.J. : On va continuer à vivre, et à vivre normalement en mettant en œuvre tous les projets qui sont les nôtres et en terminant beaucoup de travaux prévus à la ville d’Aix et à la CPA le BHNS (le bus à haut niveau de service), les places du centre ville et j’en passe.

Que pensez-vous du fait que la décision ait été prise le lendemain de la visite de Marilyse Lebranchu, ministre de l’Aménagement du territoire, à Marseille pour se féliciter de la Métropole ?

M.J. : Je pense que ce qui n’a pas plu à la magistrature, et c’est normal, c’est que la ministre se déplace à Marseille pour célébrer la Métropole alors qu’il y a encore des procédures en cours. Cela démontre un mépris évident des décisions de justice. Il m’est arrivé de les critiquer, mais je les ai toujours appliquées.

Vous pensez que cela a pu jouer dans la décision du Conseil d’Etat ?

M.J. : Je ne pense pas puisque les juridictions, normalement, sont indépendantes. Je ne pense pas qu’ils aient été influencés. Mais disons que cela a pu faire passer d’un climat favorable à un climat défavorable. Ça c’est possible oui.

Donc selon vous, la Métropole est suspendue, a minima, jusqu’à quand ?

M.J. : Au moins jusqu’en 2017 puisqu’on n’interrompra pas l’année budgétaire. Cela n’est pas possible en matière de collectivités territoriales. Donc cela repousse déjà d’une année. Et je vois mal le gouvernement, en janvier 2017, mettre en place une structure qui s’installerait pendant les élections présidentielles et qui aurait pour conséquence de faire voter les communes à l’extrême, gauche ou droite. Donc compte tenu des élections présidentielles, j’attends que ce soit repoussé à 2018. Au minimum ce serait ça, et nous allons mettre cette période à profit pour essayer de faire changer la loi. Sincèrement, j’espère que le gouvernement, celui là où un autre, sera suffisamment intelligent pour la revoir.

Dans quel sens ?

M.J. : Dans le sens d’une plus grande indépendance des collectivités territoriales. Nous sommes dans un pays de décentralisation. Or là on nous fait la recentralisation territoriale. On met en place les féodalités. La royauté a eu cela d’intéressant c’est qu’elle s’est séparée des féodaux, là on est en train de recréer des féodalités. Il y a les treize régions et c’est déjà pas mal. Mais si en plus on fait les Métropoles, qu’est ce qu’il va rester au pouvoir central ? Qu’est ce qu’il va rester de l’union de la République? C’est aberrant. On va favoriser les communautarismes, c’est la France à l’envers.

Interview de Robin GABASTON pour le média métropolitain GoMet’.