Un roman graphique de Craig Thompson

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‘Vendue à un scribe alors qu’elle vient tout juste de quitter l’enfance, puis éduquée par celui-ci, une très jeune femme voit son mari assassiné sous ses yeux par des voleurs. Elle parvient pourtant à leur échapper et trouve refuge sur une improbable épave de bateau échoué en plein désert, en compagnie d’un enfant nommé Habibi
Ensemble, dans des décors souvent nimbés de magie, ils vont grandir et vivre leur vie au sein de cet étrange endroit, en s’efforçant autant que possible de se protéger de la violence et de la dureté du monde, au rythme des contes, histoires, mythes et légendes racontés par la jeune femme…Au fil de ce grand récit tour à tour onirique, érudit et sensuel, dans une capiteuse atmosphère orientale digne des Mille et Une Nuits, Craig Thompson livre un travail graphique d’une impressionnante sophistication, traversé par de multiples réminiscences issues des traditions sacrées chrétiennes et musulmanes. ‘

671 pages qui se lisent rapidement et que l’on aimerait encore plus nombreuses, tant l’on est emporté par ce magnifique récit.

Ce récit est un voyage à travers le temps. Il est en effet entrecoupé d’histoires sacrées, qui renvoient au passé et aux traditions. Le temps du récit paraît lui-même se situer dans un passé lointain, mais non daté. Les femmes sont vendues à leurs maris, l’esclavage est courant. Pourtant à la fin, nous sommes bien dans une époque contemporaine, identifiée par les immeubles, les voitures et toute la technologie actuelle. Cela apporte plus de profondeur et de rayonnement  au récit. Habibi apparaît alors un peu comme une fable philosophique sur la société orientale et le monde arabe, la condition de la femme, l’injustice, l’intolérance, le joug du pouvoir, l’oppression des peuples, l’incompréhension et l’interprétation de la religion.

Un roman graphique très riche, servi par des illustrations magnifiques, qui intègrent la calligraphie arabe, la poésie et les textes sacrés comme éléments  fondateurs  du graphisme. Par exemple la pluie qui entoure les personnages  ci-dessous, est formée par la calligraphie ; on apprend à la fin qu’ils représentent un extrait du poème ‘le chant de la pluie’ du poète irakien Badr Chaker es-sayyab

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                                               extrait de ce superbe poème :
                                               ‘comme les arches des nuées buvant nuées
                                               goutte après goutte et qui vont se fondre en pluie…
                                               éclats de rire des enfants parmi les treilles,
                                               et sur les arbres est un silence d’oiseaux
                                               picoré par la pluie qui chante
                                               Pluie…
                                               Pluie…
                                               Pluie…’

En compétition au festival d’Angoulême : http://www.bdangouleme.com/competition-officielle