Article publié sur le site Internet du journal La Provence le 15/12/2012 – Les maires de la CPA annoncent un sit-in géant pour accueillir la ministre de la Décentralisation vendredi prochain. Tout en se disant ouvert à un projet de coopération.

De Maryse Joissains (UMP) à Jacques Bucki (PS), des grandes aux petites communes, le sentiment est le même. Photo : Serge Guéroult.Ce n’est pas tant qu’ils craignent un malentendu – jusqu’à preuve du contraire, Marylise Lebranchu, ministre de la Décentralisation en charge du dossier Métropole, n’est pas dure de la feuille. Disons que dans cette affaire, les maires de la Communauté du pays d’Aix préfèrent le dire mille fois qu’une – « Nous ne voulons pas d’une métropole intégrée (comprendre qui ferait disparaître les intercommunalités) à fiscalité unique » – et nuancer des propos qui, comme souvent dans le débat politique, virent aux oppositions manichéennes. Et risquent, aujourd’hui, de faire passer les frondeurs – les maires du pays d’Aix et d’ailleurs – pour des ringards de première.

C’est lors d’une conférence de presse des maires, donc, en préambule du conseil communautaire, que Maryse Joissains a rappelé, hier, le « non merci » collectif aux ambitions du gouvernement et la nouvelle action destinée à l’incarner : vendredi prochain, alors qu’une réunion de travail est prévue avec la ministre à Marseille, les maires « du département » se sont donné rendez-vous à 8h30 pétantes, écharpes en bandoulière et conseillers municipaux en escorte, pour dire tout le mal qu’ils pensent de la réforme.

« Je suis inquiète car le texte dont nous avons connaissance va encore plus loin que la réforme Sarkozy de 2010 », plaidait Maryse Joissains (UMP). Et pour cause, il fait disparaître le pôle métropolitain, alternative à la grande métropole. Mais d’appuyer sur « la détermination » de tous à « étudier la possibilité d’une structure de coopération » et sur l’éventualité de lâcher des compétences aux conseils général et régional, avec les ressources financières qui vont avec. Comme le versement transport qui coûte si cher aux entreprises, et qui ne voient venir aucune amélioration.

« Nous en avons assez d’être considérés comme des notables accrochés à leur rocher, tempêtait Georges Cristiani, maire (SE) de Mimet. Sommes-nous suffisamment idiots pour ignorer le fait métropolitain ? Il n’y a pas d’un côté des maires inconscientset de l’autre une ville exsangue dans des difficultés insurmontables : même le maire de Marseille dit que cela va trop vite et trop fort ! ».

Et s’il n’y a aucun doute sur le fait que Marylise Lebranchu a entendu le message, c’est au monde économique – essentiellement marseillais – que la CPA veut afficher son argument clé : une Métropole, trop longue à mettre en place avec des transferts de compétences, de personnel et de déchirantes questions de gouvernance, serait plus une usine à gaz que la panacée.

« nous ne sommes pas opposés à un projet mais à une méthode »

« Il doit comprendre que nous ne sommes pas opposés à un projet mais à une méthode, à une précipitation, assurait Jacques Bucki, maire (PS) de Lambesc. La Métropole peut très vite se traduire par un blocage des investissements des communes avec un impact économique fort ».

« En cinq ans, quand la CPA a investi 100 en équipement, l’ensemble des communes ont investi 160, détaillait Frédéric Guiniéri, maire (SE) de Puyloubier. Quand la fédération du bâtiment me dit qu’elle en a marre des recours en urbanisme, des lourdeurs du code des marchés publics, d’attendre quatre décisions avec les partenaires multiples, il faut bien voir que ce n’est pas la Métropole qui fera tomber tout cela… Quand je passe un marché à grande concurrence, sur le chantier, je tombe sur des Slovènes, des Turcs, ah oui, le plâtrier turc, il est là encore à 19 heures mais ce ne sont pas les entreprises locales qui en profitent. Si les communes sont financièrement asséchées, cette commande publique qui contribue au maintien de l’emploi dans nos PME et nos TPE n’existera plus ».

Maryse Joissains dénonce « un monde des affaires, celui des promoteurs, qui veut s’approprier le droit du sol qui appartient aujourd’hui aux maires et qui permet de rythmer la vie de leur commune » quand Jean-David Ciot, député-maire PS du Puy-Sainte-Réparade, nuance – « le monde économique veut un outil efficace, opérationnel » mais reste ferme : « Personne n’imagine que l’avenir du transport, du développement économique, de l’écologie ne se fasse pas à l’échelle métropolitaine. Ce que je crains pour le monde économique, c’est le millefeuille fiscal : il faut une structure légère qui puisse répondre rapidement aux attentes publiques et au niveau des intercommunalités, nous avons pris des habitudes de solidarité. Je ne crois pas en une superstructure ».

Le sénateur Sophie Joissains interroge : « La Métropole n’est-ce pas un faux nez ? » quand Marseille a surtout « besoin de financement de l’État ». Mais en sourdine, gronde aussi un impératif : les maires savent bien que ce qui n’a pas pu se faire ces dix dernières années, doit être fait rapidement. Au risque de passer pour des guignols.

Alexandra Ducamp